Cet article est l’occasion de redéfinir les bases du marketing à partir de réflexions sur ses origines, ce qu’il est et ce qu’il pourrait être.

Durant tout le 19 siècle, l’industrie fabriquait sans se préoccuper des débouchés, le marché était considéré comme infini. Les crises étaient pour la plupart des crises de sous-production dont la résolution était pratiquement automatique et ne nécessitait que peu d’intervention extérieure. Les crises de surproduction étaient plus graves et souvent moins rapidement résolues. Les économistes les analysaient sommairement comme des crises liées à des facteurs conjoncturels : spéculation,  guerre ou à des événements externes à la science économique. Tout change avec la crise de 1929 qui apparaît aux économistes comme, non plus une crise de surproduction, mais plutôt, comme une crise de sous-consommation.
La théorie de Keynes est fondée sur cette analyse. Lui même et ses disciples ont merveilleusement répondu à cette crise de sous-consommation. Pour la caricaturer un peu,  la théorie de Keynes revient à payer des individus à creuser des trous et à les reboucher, créant ainsi du revenu et permettant une consommation plus importante.
Cela a conduit à une augmentation de la masse monétaire, suivie d’une augmentation des salaires. Deux phénomènes rendant ainsi possible un développement sans précédent de la production de richesses du à la connaissance et à une nouvelle maîtrise de la science économique. Alors que la science économique recevait les lauriers de la gloire, quelques chercheurs moins ambitieux développèrent dans l’ombre des génies des théories moins globales, plus pragmatiques. Pour ces penseurs, si l’on avait assisté à une crise de sous-consommation, le phénomène était consécutif au fait que l’offre n’était pas adaptée à la demande. La sous-consommation était le fait du comportement d’un agent économique que l’on avait souvent négligé et que l’on allait bientôt connaître sous le vocable de Consommateur.

Ce raisonnement avait un fondement plus micro-économique. Il partait de constations populaires – dans le sens qu’il venait des besoins du peuple, de la base – et faisait référence à l’individu. Les postulats étaient simples : toute consommation, tout achat correspond à un état de manque. Les besoins sont pratiquement illimités, alors naîtront les motivations qui mettront en marche l’action aboutissant à l’acte de consommation. Ainsi, pour augmenter la consommation, il suffisait de repérer les besoins véritables des consommateurs, éventuellement de les faire naître, au moins de les susciter. Ceci en s’appuyant sur les motivations que l’on peut stimuler par divers moyens.
La première méthode va développer le champ de l’analyse des besoins du consommateur qui se traduit par l’utilisation de l’outil statistique et des méthodes d’analyse sociologique qui visent à mieux connaître ce consommateur. La deuxième va ouvrir la voie aux techniques publicitaires qui vont susciter et faire connaître le sentiment de besoin chez le consommateur. Cette seconde voie s’enrichira au fil du temps de nombreux autres moyens tels que : la promotion, le design, le développement des marques, etc.
Durant une longue période ces nouvelles techniques seront détournées et ne seront rendues à leur usage véritable que dans les années 50.

Le marketing est en général considéré comme un ensemble de techniques qui emprunte à plusieurs sciences : d’un coté la sociologie, les mathématiques, l’économie, la psychologie et de l’autre des sciences dites plus « dures » comme la gestion, la comptabilité et la finance.
Un « pot commun » donc, peu susceptible de recevoir la qualification de science.



Plutôt que de se lancer dans une définition creuse dont chaque auteur a le secret, cet article désire définir le marketing à partir de la science économique qui fut sa mère nourricière. Pour les Néo-classiques la valeur d’un bien se définit par le double critère le l’utilité et de la rareté. Le marketing va utiliser les mêmes critères d’utilité et de rareté. Mais plus que sur la rareté réelle et l’utilité réelle d’un bien, il cherche à identifier l’utilité perçue et la rareté perçue par le consommateur d’un bien ou d’un service. Ainsi un bon Marketing cherche t-il, par un ensemble de techniques et moyens, à maximiser la valeur perçue d’un bien : la valeur perçue de sa rareté tout autant que la valeur perçue de son utilité.
Prenons un sac de la marque « Louis Vuitton » à 2 500 €. L’utilité absolue d’un tel sac est pourtant pratiquement nulle. Un simple sac en polypropylène à quelques centimes d’euros possède strictement la même utilité. De même, la rareté de ce sac n’est qu’une perception due et organisée par quelques techniques de distribution. Si vous en faites l’expérience, votre sac prestigieux est disponible dans de nombreux endroits, voire sur Internet  par un simple clic !
« Le marketing n’est donc qu’un ensemble de techniques (qui peuvent ou pourraient  éventuellement constituer une science) qui permet de maximiser la valeur perçue d’un bien, créant ainsi par la même de la valeur et de la richesse qui est, rappelons le, le but premier de l’économie. »


Le marketing s’est alors vu cantonné dans un rôle mineur, celui de remplir le caddy du consommateur et de le précipiter vers les nouveaux eldorados que sont les grandes surfaces. Il faut encore remarquer que certaines techniques qu’il utilise sont souvent mal perçues, car parfois détournées à d’autres fins moins avouables …
Pour autant, il ne faut pas confondre les effets d’une science – ou d’un ensemble de techniques – et le but dans lesquels elles sont utilisées. Ce n’est pas le marketing qui est en cause, mais bien ceux qui en font usage dans un but, sinon détourné, du moins largement dévoyé. La mauvaise naissance du marketing fait que dans les critères utilisés pour maximiser la valeur d’un bien, les auteurs classiques du marketing ont oublié certaines données. Il semblerait qu’un des critères présent dans le marketing à son origine, et qui serait maintenant négligé  concernerait le critère éthique.



Face à la multiplication des crises, aux soubresauts qui agitent nos sociétés de consommation la remise en cause du marketing est évidente. Remise en cause par les consommateurs revendiquant leur statut de consom’acteurs et remise en cause – réelle ou opportuniste – de certaines structures économiques qui envisagent de nouvelles voies d’accès et de développement de leur activité.
Les tentatives d’introduction d’un, ou de plusieurs critères d’éthique, sont à la fois récentes et nombreuses. Il n’est que de consulter la littérature spécifique pour constater qu’il existe dans la double sphère Marketing et Ethique de multiples approches ou les deux concepts se combinent et parfois se marient :responsabilité sociale des entreprises (RSE), marketing durable, marketing éthique, marketing équitable, marketing vert, etc.
Autant de qualificatifs parfois obscurs, mais dont le foisonnement n’est pas anecdotique. Richesse du vocabulaire qui préfigure un début de réponse à la triple interrogation actuelle «  Le marketing est il idéologique, immoral et manipulateur ? ». Interrogation qui renvoie les « marketeurs »à une réflexion nécessaire sur la façon dont ils exercent leur métier, et fait aussi appel à une notion de consommateurs non plus seulement acteurs, mais aussi et avant tout citoyens !

Au travers de nos réflexions précédentes, il nous semble évident que le marketing est une agrégation de différentes sciences, matières, outils et techniques dont le but est de créer de la valeur utile à l’humain ; pour ne pas dire à l’humanité … Etat d’esprit, discipline, ou tout autre qualificatif, il est immergé dans la société, dans son actualité et en évolution permanente. C’est donc un phénomène variable et évolutif selon les deux dimensions espace et temps.
Ses fondements établis dans les années 50 sont remis en cause : les individus et les situations du moment ne sont plus les mêmes, les attentes sur les seuls besoins de consommation semblent majoritairement satisfaites, etc.
Alors quelles sont les nouvelles voies qui s’ouvrent au marketing ? Une réponse unique serait présomptueuse. Il nous apparaît qu’un élément nécessaire – voire indispensable – à intégrer dans la réflexion du marketing de demain est celui de l’humain. Dimensionnement nouveau qui imposerait de se réapproprier le mot historiquement accolé au marketing : le management.
Celui-ci est défini « par l’ensemble des techniques d’organisation de ressources qui sont mises en œuvre pour l’administration d’une entité dans un souci d’optimisation. Ainsi, il tend à respecter les intérêts et représentations des parties prenantes de l’entreprise ». Parties prenantes – appelées stakeholders – qui doivent toutes trouver un certain équilibre pour que l’une ne vive pas au détriment de l’autre.
« Ensemble de moyens et de techniques mis en œuvre afin de respecter les intérêts des différentes parties prenantes, dans un dimensionnement humain, tout en créant de la valeur réelle utile à l’humain »
Telle pourrait être une nouvelle, ou future définition du marketing !

Pour en savoir plus :
Consultez le livre « Le tour du marketing en 12 étapes » de Annez-Laure Frossard et Pascale Guceski (deux de nos experts), Dunod, 2010.